Groupe de Théâtre au Plessis-Trévise

Le groupe de théâtre de Plessis Trévise est composé majoritairement de personnes qui appartiennent à l’antenne Emmaüs du Plessis-Trévise dans le Val-de-Marne.

L’activité est née en 2017. Elle se déroule tous les vendredis, de 18h à 20h, entre les mois de septembre/octobre et juin.

  Beatrice : première année

  « Je suis chez Emmaüs au Plessis-Trévise depuis trois ans et je fais du travail solidaire dans la puériculture. Comme je ne parlais pas très bien français, j’ai commencé à prendre des cours de français avec Jocelyne et c’est elle qui m’a invitée à rejoindre les cours de théâtre. J’aime beaucoup et j’aime tout ce que je fais, ainsi que les sorties avec le groupe. Mon rôle favori, c’est quand je fais la touriste et aussi quand nous jouons le contrôle routier : j’aime particulièrement quand je brûle les feux car j’aime la vitesse. Jocelyne nous guide, nous met dans l’ambiance, elle nous dit ce que nous devons faire. Elle nous envoie les textes sur nos portables et pouvons faire le théâtre et les cours de français. Merci beaucoup ! »

Kevin (témoin anonyme) 

« Jocelyne nous aide beaucoup pour apprendre le français et pour nous améliorer. J’ai été invité et j’ai accepté, c’est ma première fois dans le groupe, je viens depuis cinq mois. C’est bien, on rigole beaucoup. Jocelyne, c’est quelqu’un qui nous motive, je la remercie pour tout cela. Venez tous nous voir au spectacle ».

   Samia : vient depuis 2018

« Cela me permet de sortir de ma routine, je sens que j’ai fait un truc qui sort de l’ordinaire, de la vie quotidienne.

Les cours de théâtre coûtent très cher, essayer de rentrer dans une école de théâtre ça coûte une fortune, c’est impossible !

J’invite tout le monde, petit, grand, à tout âge, de faire du théâtre, parce que vraiment ça donne beaucoup de motivation, et on a besoin de ça dans notre vie, on a besoin de théâtre dans notre vie. Normalement ce devrait être obligatoire dans les écoles , parce que ça donne confiance, ça apporte beaucoup de positif, on est obligé de s’évader loin avec le texte, on oublie tout, même la vie quotidienne. »

Gabin : première année

« Cela m’apporte un bon exercice pour entrainer ma volonté, car vouloir c’est pouvoir, et dans le quotidien, ça sert. C’est un bon exercice pour travailler sa volonté :

Lors des répétitions, il y a un peu de stress ! C’est une très bonne expérience. C’est aussi un bon départ pour se motiver à peut-être percer, ou trouver autre chose de mieux ailleurs, et pourquoi pas gagner sa vie ! »

Jessica : première année

« C’est un travail d’équipe, cela permet de rigoler, de se défouler. Le jour du spectacle, c’est autre chose. Là, vraiment on sent qu’il n’y a pas le choix, pourtant, non, il n’y a pas le stress, juste un peu au début, mais quand vous êtes sur scène, et que vous entendez les gens rirent, même si vous vous trompez, ça vous motive ! »

 Dès son enfance, Samia a baigné dans l’univers artistique, la chanson, la danse…Toute sa famille est composée d’artistes, son père et son frère étant tournés vers la musique.

Jeune, elle a même fait un spectacle de flamenco qui a fait la une des journaux en Tunisie, et certains Espagnols eux-mêmes ont été persuadés qu’elle était espagnole ! elle a également été mannequin professionnel, a tourné dans des spots publicitaires, participé à des caméras cachées, des films. Récemment, elle a fait de la figuration dans le film « Novembre » de Cédric Jimenez, sorti en 2022 . Elle avoue naturellement qu’elle ne peut pas vivre sans ça, c’est comme une drogue !

Elle retient de son passé proche ici, qu’elle est restée de longues années sans rien faire, car elle s’occupait de ses filles à plein temps, mais elle sentait qu’elle n’était pas elle-même. Aujourd’hui, ses filles ont grandi, mais elle garde quand même une grande responsabilité et elle ne peut pas se libérer facilement. Elle s’est donc un peu heurtée à la concurrence qui est énorme à Paris et en région parisienne. Quand elle a rencontré Jocelyne, elle s’est vue proposée de faire partie d’un groupe de théâtre, et de nouveaux horizons se sont ouverts.

 C’était il y a 4 ans, en 2018, et elle continue d’être heureuse de se lancer chaque année avec un groupe qui est à chaque fois nouveau. L’ambiance se renouvelle, créée par des personnes de cultures, d’origines et de vécus différents. Grâce à leur bienveillance, des liens se tissent, puis elles gardent le contact entre elles. Elle cite pour exemple Rémi, Bulgare, avec qui elle a programmé d’aller au restaurant prochainement. Elle revit une bonne expérience tous les ans depuis quatre ans, et apprécie tout le travail et la direction du groupe menée par Jocelyne, qui parvient à présenter des spectacles différents d’année en année.

Les textes varient, il y a toujours de la danse, de la chanson, il y a beaucoup de comédie dans les mises en scène, composée personnellement par Jocelyne, joints parfois à certains petits textes connus. Samia vous adresse d’ailleurs ce message : « Venez nous voir, parce que c’est super ! c’est une expérience à vivre ! vous allez rigoler jusqu’à en être fatigués ! Ce sont de bonnes choses, du bon spectacle ! ».

Une motivation a partager

Sa créatrice, Jocelyne D., intègre le Secours Catholique en 2016 pour donner des cours de français à la paroisse de la Queue-en-Brie. Elle souhaitait s’occuper utilement avant de prendre la retraite prévue en 2018, et suivre son idée qu’il est possible d’intégrer les populations qui viennent d’autres pays par les cours de français. Lors de la lecture, au manque d’intonation de ses élèves, elle constate l’absence de lien à la compréhension d’une grande partie d’entre eux. Naturellement, elle met en place des jeux de rôles pour interpréter le texte. Le stratagème fonctionne, et quand elle finit par leur proposer de suivre son atelier théâtre, ils accrochent spontanément.

« L’activité théâtre est une motivation supplémentaire à comprendre le français, car pour jouer, il faut savoir expliquer ce que l’on joue, et à l’inverse d’un cours d’un français, l’élève ne peut pas simplement dire qu’il a compris, et faire un mensonge…Cela prend du temps, car ce sont des jeux de mots, à l’intérieur de sketches. Parfois on s’aperçoit à l’intonation, que le texte n’est pas compris, alors il faut réexpliquer. »

Nous sommes en 2017, et depuis, chaque année, elle propose un spectacle différent, qu’elle monte elle-même avec ses textes, ses chansons, sa mise en scène. « L’idée, c’est que nous passions un moment dans la bonne humeur et le format des sketchs nous convient parfaitement pour dynamiser les cours. »

Lors de la réunion du début d’année des cours, Jocelyne prend tous ceux qui souhaitent participer au théâtre, et pas seulement ceux qui viennent d’office du cours de français. Elle sonde tous ceux qui pourraient avoir un potentiel, ou à qui cela pourrait plaire. Elle intègre selon l’envie de participer, souvent, en les convainquant de suivre les cours de français en parallèle, le lundi soir. Cette année par exemple, il n’y a qu’une personne qui vient des cours de français.

« On ne les a pas tous pris des cours de français, c’est le contraire, c’est le théâtre qui les a menés au cours. »

S'adapter au groupe

Le groupe est différent chaque année, et l’expérience toujours aussi enrichissante, bien qu’adaptée à de nouveaux participants dont le français est moins évident. En 2017, les cours commençaient en janvier, aujourd’hui, elle préfère les démarrer autour du mois d’octobre. Il arrive régulièrement qu’elle perde au cours de l’année presque la moitié de ses élèves, par suite de leur parcours difficile. Par exemple, en début d’année, il y a souvent dix ou douze inscrits, et en fin d’année, le spectacle est souvent présenté par six ou sept élèves seulement.

Pour cela, elle a fait le choix dès le début d’orienter ses spectacles sous la forme de sketches. Ainsi, elle peut faire jouer plusieurs rôles à un même élève.

« Le choix des sketches est plus adapté, car monter une pièce est compliqué » « Ils décrochent très rapidement leur attention ! deux heures de spectacle, il faut que tout s’enchaine ! Il ne peut pas y avoir de retard. »

« Cette année, il y a eu un élève qui a dû repartir dans son pays, deux malades, un absent, un autre qui s’est fait arrêter par la police parce qu’il n’avait pas ses papiers donc après, il ne venait plus, tout cela fait qu’il faut reconstruire les rôles à chaque fois. Et là, c’est pour ça que la troupe du moment a beaucoup de rôles et c’est assez serré, ils viennent chacun leur tour sur scène assez souvent parce qu’il y a des remplacements. »

Elle dirige la troupe selon un programme bien rythmé, et parfois intense car la moindre perturbation entraine un décrochage systématique et rapide de l’attention de ses élèves. « Ce n’est pas toujours évident d’avoir la fluidité dans le cours mais cela fait partie de la discipline et l’attention que tous les participants doivent avoir. »

Son compagnon Alain, est à ses côtés, pour s’occuper de la sono.

Une préparation de longue haleine

Les cours, elle les fait toute seule. C’est une longue préparation parce qu’il faut : imprimer les textes, photocopier, et changer à chaque fois qu’il y a un départ. Il y a toute la mise en scène, les musiques, dont il faut découper les morceaux, les danses, travailler les effets.

C’est une telle longue préparation, que Jocelyne est déjà en train de préparer ses idées pour le prochain spectacle!

« L’idée c’est que tous passent du bon temps, c’est que les élèves prennent du plaisir, que le public rie. »

Pour tout ça, Jocelyne ne bénéficie d’aucun partenaire réellement. Pour les costumes, peu nombreux, elle utilise un petit fond donné par le Secours Catholique pour acheter quelques petites choses, et elle arrive à avoir pas mal d’accessoires avec l’aide d’Emmaüs, puisqu’ils récupèrent beaucoup d’objet autour d’eux. Emmaüs les fournit gracieusement en tout ce qui est possible de leur côté et bien sûr, le retrouve une fois le spectacle donné.

C’est elle encore qui prépare les affiches du spectacle, distribue les flyers, communique autour d’elle : elle parle aux séniors, elle envoie des emails, elle essaie de faire fonctionner le bouche-à-oreille, elle distribue des annonces à la sortie des messes. Le public qui vient assister au spectacle en fin d’année a besoin de ça ! c’est un public varié.

Il est composé de la famille, des copains d’Emmaüs, des membres de la paroisse, du Secours Catholique, des personnes qui viennent aux cours, des personnes qui résident à l’hôtel, et tous les amis de Jocelyne et Alain.

Parmi les souvenirs qui ont marqué Jocelyne, il y a plein de parties de rigolade, comme elle dit. Lors du spectacle « Miam Miam », elle se souvient de cet élève, Mohammad, au comique visuel… « On ne comprenait rien ou presque pas de ce qu’il disait, mais il nous faisait rire, il y a des personnes qui sont visuelles, et lui, c’était le cas ».

Favoriser échanges et progressions 

Elle a bien conscience que le théâtre, c’est une activité qui est dure pour eux, mais ils sont contents de travailler, et de progresser. La gratification est immense de les voir heureux, rire ensemble, se découvrir des cultures différentes, tisser des liens et continuer de se revoir.

Ce sont les motivations de Jocelyne. Pouvoir les aider à ce qu’ils s’en sortent et leur montrer la vie en dehors d'Emmaüs. Sur la troupe, il y a deux personnes qui n'appartiennent pas à Emmaüs, et elle remarque une scission entre elles avec l’absence des repères de la vie que chacun mène.

« Ils sont comme dans une autre sphère, ils sont épaulés, ils ne se rendent pas compte que quand ils arrivent au cours après 17h, après leur journée de travail à Emmaüs, ils n’ont pas de trajet pour venir ou pour rentrer chez eux, ils n’ont pas de repas à préparer non plus, alors il est parfois difficile de les entendre dire qu’ils sont fatigués. »

Malgré tout, Jocelyne est toujours accueillie par leur joie quand elle les retrouve sur place, elle voit qu’ils sont contents et ça la touche.

Elle espère qu’ils continueront à pratiquer, qu’ils améliorent encore leur français, qu’ils puissent se sortir de leur situation malheureuse et qu’ils quittent Emmaüs un jour. Car c’est possible ! Elle a vu le changement notamment l’année dernière d’un garçon qui a évolué, qui a pris des initiatives et avec Alain, ils gardent un super souvenir de lui.

« Liridon, Kossovar, a beaucoup progressé en français, il a bien aimé l’activité, et il travaille toujours pour Emmaüs mais il n’est plus compagnon : il est responsable chez Emmaüs à Ivry. Il habite d’ailleurs encore là jusqu’au mois de juin et ensuite il va quitter l’hébergement. »

Pour tous, ceux qui font les efforts, et qui progressent dans le langage, Jocelyne espère qu’ils trouveront aussi la force d’évoluer au-delà, mais elle n’en est pas certaine. Il faut savoir prendre des initiatives et sortir de son cocon.

Préparer un spectacle et améliorer son français, c’est aussi un bon moyen de s’enrichir les uns les autres ! « Le groupe fait des sorties, joue à la pétanque. Connaître la culture et la civilisation française est aussi important et se fait de manière naturelle, » ajoute Alain

Après le spectacle aussi, si le temps le permet, ils font une partie de bowling, par exemple, et vont au restaurant ensemble, l’équipe et celle du Secours Catholique. Ça plait à tout le monde.

L'importance du lieu

 Retrouver une salle de théâtre pour répéter et présenter le spectacle, serait un vrai cadeau pour Jocelyne et Alain: jouer sur une scène, ne plus avoir à tout débarrasser chaque semaine pour installer un espace de répétition. Ne plus pouvoir bénéficier du prêt de la salle de théâtre aux Murets (propriété de l’hôpital de la Queue-en-Brie) est une perte car c’est une salle magnifique.

 « Un théâtre a tout : les coulisses, les lumières, la résonnance, le son…l’âme ! cela permet de tout bien expliquer à chacun, d’être installé de suite sur scène et de se projeter, ça change tout ! c’est une autre ambiance. »

 C’est pour cela que le petit groupe de Jocelyne occupe désormais les locaux de la paroisse du Plessis-Trévise pour travailler leurs scènes. « C’est bien aussi, de pouvoir jouer à l’extérieur, mais cela n’a rien à voir avec un théâtre. Un théâtre, cela vous met de suite dans le bain, cela vous plonge dans un univers particulier. Ici, la petite maison bleue, c’est le local du Secours Catholique, les autres espaces appartiennent au prêtre. Chacun vient chacun son tour, personne ne reste sur place. »

« D’habitude, les répétitions ont lieu à l’intérieur, dans la première salle attenante à la cuisine, et ce soir (jour de notre reportage), c’est la première fois où ils peuvent répéter à l’extérieur. Les coulisses sont habituellement derrière la porte en verre, ce qui explique pourquoi ce soir cela les gêne : ça les change de côté, ça chamboule tout ! »

C’est ici que le spectacle aura lieu si le temps le permet et Jocelyne espère qu’il fera beau, parce que c’est quand même mieux d’avoir les entrées et les sorties de chaque côté !

Venez nombreux passer un petit moment ensemble, pour rigoler et les applaudir tous ensemble !